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25 février 2005 5 25 /02 /février /2005 09:20

film court métrage couleur

Une sombre histoire de disparitions de chiens dans le Nord de la France sur jeux de regards et de séduction au quotidien constituent la trame de ce scénario porté par des personnages hauts en couleurs...

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24 février 2005 4 24 /02 /février /2005 21:22

 

 

Une oeuvre charnière dans l'histoire de l'artDécoupage en 3 parties - Catherine Gheselle

 

 

 

Analyse plastique et mise en avant des signes avant-coureurs du Cubisme

 

Les Demoiselles d’Avignon est une œuvre charnière tout autant pour son auteur, Pablo Picasso (1881–1973) que pour l’histoire de l’art. L’analyse proposée permettra de faire une approche diachronique du début du mouvement cubiste tout autant qu’une prise en compte de l’approche systémique de Pablo Picasso.

 

Avant d’entamer l’analyse proprement plastique de l’œuvre, situons le contexte. La fin du XIXe siècle est le marchepied de profonds changements. Les impressionnistes, la photographie sont autant de clins d’œil à des mutations picturales importantes. L’arrivée du cinéma renforcera l’illusion d’optiques nouvelles, au sens propre comme au figuré. Picasso a 26 ans lorsqu’il achève Les Demoiselles d’Avignon à Paris en 1907. Le salon d’automne de 1905 aura déjà pointé l’audace de ce jeune peintre dont l’appétit visuel est bien grand et qui n’hésite pas à aller lorgner du côté de chez Ingres (1780-1867), profitant du plongeoir offert par Le Bain Turc (1862).

Pierre Daix pointe dans « Le journal du cubisme » l’aspect crucial de l’année 1905 car des rencontres importantes procureront au jeune peintre espagnol une ouverture conséquente et permettront ainsi l’installation future de sa renommée.

En effet, Picasso rencontre Gertrude Stein (1864-1946), une romancière intellectuelle, collectionneuse et actrice majeure du renouveau pictural en train de se jouer. Ainsi le peintre rencontre Matisse (1869-1954) et l’intérêt du premier pour les recherches formelles va faire écho chez celui dont le leitmotiv est la couleur.

 

Cet intérêt réciproque, doublé d’une concurrence latente, constituera dans le temps un piston supplémentaire au moteur de leur créativité.

 

 

Mais le cubisme en tant que tel n’existe pas encore. L’expressionnisme ouvrira la voie du fauvisme dans lequel le cubisme prendra sa source. Dans cet extrême raccourci, n’oublions pas que tout cela ne serait rien sans l’héritage de l’impressionnisme.

 

Cette période dont on parle ici qui s’étend des premières lassitudes académiques exprimées chez Courbet (1819-1877) puis chez Millet (1815-1875) jusqu’aux recherches plastiques de Braque (1882-1963) et de Cézanne (1839-1906), pour ne citer que ceux-ci, est très riche surtout si l’on tient compte de sa durée, en gros de 1848 (Un enterrement à Ornans de Millet) à 1911 (Le Salon des Indépendants). Si c’est bien dans cette période qu’évolue la conception et la création des Demoiselles, nous savons finalement que cette toile a été peu vue jusqu’en 1925.

 

Puisqu’il ne faut pas oublier, avec Maurice Denis, qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées , procédons donc sans attendre à l’analyse plastique de cette toile.

On sait que Picasso n’a négligé aucun médium. Il s’agit ici d’une huile. La toile est d’un format de 243,9 cm sur 233,7 cm. Un format important, impressionnant même, presque un carré à 10 cm près…mais ce n’est pas un carré. De très nombreux croquis préparatoires ont précédé à la réalisation et s’étalent de l’automne 1906 à l’été 1907. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Picasso nous donne à voir sa représentation d’une maison close barcelonaise située dans la rue d’Avignon, d’où le nom de la toile. Précisons ici que le mot de « représentation » est employé autant au sens figuré qu’au sens propre. Ce point sera développé ultérieurement.

On peut considérer que le tableau est composé de 3 parties, 3 rectangles dont ceux de droite et de gauche comportent des dimensions presque identiques alors que, contradictoirement, les figures géométriques sont exacerbées par la volonté de déstructuration du peintre. Cet équilibre des 3 parties adoucit la représentation et renforce ainsi le côté déstabilisant ! Cela est fait dans un même espace, dans une idée de globalité. Le fond comme la forme insiste sur la multiplicité des points de vue, sur la reliance entre les parties. Le jeu des couleurs introduit également cette dimension de reliance.

Le nombre de couleurs se conjugue à la composition : si l’on considère les dominantes, 3 couleurs structurent l’espace avec l’ocre à droite, le bleu à gauche et le gris au milieu. Des interpénétrations de couleurs légères s’effectuent d’une partie sur l’autre. Et comme dans une « synthèse additive », la partie gauche les illustrent toutes.

Le découpage en plan nous permet de constater que le tout premier plan, une nature morte, traduit également toutes les teintes de la palette du peintre.

La perspective n’est pas utilisée. Ce sont les couleurs qui distribuent idée de profondeur et positionnement du point de fuite, cette distribution étant aidée en cela par la géométrisation de l’espace. La couleur froide du fond permet l’idée d’éloignement quand au contraire, la couleur chaude des corps les ramène vers l’avant.

Le brun et le bleu sont des couleurs complémentaires. L’absence de contraste entre les couleurs suggèrent la continuité. Il n’y a pas en effet de fracture visuelle mais bien une idée de globalité avec mise en avant de certains éléments. Globalité néanmoins marquée de certaines différences que nous allons détailler ici.

Tout d’abord dans l’occupation de l’espace par les personnages. Notons au passage que les femmes peintes par Picasso emplissent pratiquement tout l’espace du tableau. Lors des nombreuses ébauches qui ont précédé la version actuelle des Demoiselles, des personnages masculins tentaient une apparition que le peintre n’aura finalement pas immortalisée. Il est vrai que le temps de la conception aura permis une longue maturation du sujet. En effet, on sait que cette toile est restée longtemps à l’écart avant d’être montrée publiquement. On ne peut donc pas la considérer comme la marque du point de départ du cubisme. La marque non, mais la somme des signes indiquant l’histoire débutante et en évolution du Cubisme, sans doute.

 

 

Et d’ailleurs cette approche se fait dans une vision systémique comme nous avons pu déjà le pointer. En effet ce point peut être accentué par la lecture du couple espace/personnage qu’on peut interpréter de la sorte :

 

 

La partie gauche contient un personnage dont le profil peut rappeler la facture classique voire antique de l’art. La couleur ocre dominante peut rappeler la terre, l’origine.

Constatons que la femme tient un rideau. Les rideaux, de part et d’autre du cadre, appellent l’idée de représentation (le théâtre, la scène). Qui dit représentation théâtrale dit narration, histoire.

Au centre les personnages sont peints de face. Cela est vu comme une évolution dans l’acte de monstration ; on se souvient en effet que les premiers personnages montrés de face ont choqué. On se sent vu par les personnages mais non observé. Le dispositif imaginé par Picasso induit une idée très forte de voyeurisme. Peut-être que l’absence de psychologisation des personnages renforce notre position de voyeur, dans un effet contradictoire. Ingres, que Picasso a beaucoup étudié, notamment à travers le Bain Turc avec lequel nous aurons l’occasion d’établir d’autres parallèles, avait induit l’idée d’un voyeurisme par la façon d’encercler son dessin. Ici, il est renforcé par l’idée des tentures qui simulent l’aspect caché pour mieux appeler le regard. Donc nous regardons le lieu de la représentation d’une histoire que nous racontent 5 femmes dévêtues. « Heureux celui qui est aimé des muses, le langage coule de ses lèvres comme du miel»(Hésiode). Les muses étaient au nombre de 9 me direz-vous. En fait, elles étaient 3 à l’origine, la transformation mathématique d’une élévation à la puissance 3 ayant donné le chiffre 9. Après tout, « Naissance des muses », la toile d’Ingres, met en scène 11 femmes. Et Jacques de Stella (1596-1657), quant à lui, avait également auparavant pris quelques libertés avec « Minerve chez les muses ».

Nous aurions donc 5 muses représentant les arts. Les muses étaient des femmes, raison probable pour laquelle Picasso aurait ôté les personnages masculins de sa toile.

La terre est origine, représentée par la couleur ocre. Une des muses est inscrite dans la  cette partie ocre, partie de gauche. Elle est représentée de profil et nous offre ainsi une parfaite représentation de la statue ibérique, un clin d’œil à l’art antique. C’est le début de l’art, l’origine.

Dans cette optique d’une histoire de l’art reconstituée devant nos yeux, penchons nous sur la partie droite de la toile, celle à dominante bleue. Cette partie indique une évolution picturale très marquée. Comme chez Gauguin, Van Gogh ou Matisse, Picasso dérange la figuration du visage. Les volumes sont réellement débités dans l’espace et les couleurs surprennent. Les visages tentent de représenter la face mais aussi et en même temps le profil de la femme accroupie. Profil à droite, face au milieu, profil et face à gauche, il s’agit d’une synthèse de l’art de la représentation. Dans une frise chronologique, le futur est à droite. Dans un calendrier aussi. Graphiquement, Picasso n’échappe pas à la règle.

On peut donc avancer l’idée que cette toile représente l’histoire de l’art, l’évolution de l’art pictural en train de se faire mais aussi l’évolution propre du peintre.

Ainsi s’enchaînent et interagissent par les couleurs, l’espace et les actions (les regards entre les personnages ou ceux qui agissent hors-champ) l’histoire de l’art, l’histoire de la peinture, l’histoire de l’humanité. Le spectateur est bien au centre du dispositif grâce au regard franc, directement pointé sur le spectateur, des personnages du centre. Ces regard extra-diégétiques signifient l’approche systémique du peintre, le jeu des interactions et l’importance des contextes dans la somme des significations.

La monstration (la représentation humaine, le spectacle de la vie) est accentuée par l’ouverture gestuelle des personnages : les 2 femmes du centre les bras levés, offrant leur poitrine au regard ainsi que les jambes ouvertes du personnage de dos. Ici encore Picasso opère une dialectique entre cette toile et le Bain Turc : clins d’œil complices mais aussi avertissement d’un revirement, réflexion acquiescée par la gestion de l’espace. Le plateau du premier plan glisse du Bain Turc aux Demoiselles et alors qu’il se pose en repère chez le premier, il opère une déstabilisation importante chez le second. Evidemment chez Ingres, il y a une profondeur de champ qu’on ne retrouve pas du tout dans les Demoiselles. La porte du fond a disparu pour obliger la lecture à l’avant-scène, tout est présent en même temps et dans un espace qui ne marque plus les structurations habituelles. Renforcée par la narration de l’histoire de l’art, nous pouvons confirmer la volonté manifeste de représentation du temps et au-delà de l’inscription de ce concept, un balbutiement dialogique entre ces dimensions qui sont finalement au nombre de 4 (les 3 dimensions de l’espace et la quatrième du temps). Pour sûr, la dimension temporelle annonce le commencement du cubisme tout autant que l’utilisation du langage géométrique issu de Cézanne. Le traitement des visages est plus particulièrement le réceptacle de ces modifications. Nous avons pointé dans l’évocation de la partie gauche  de l’œuvre l’introduction de la notion de volume. Cette dernière est à approcher de l’influence de l’art nègre constatée dans cette toile. Les hachures renvoient aux scarifications de certaines tribus africaines. Il est intéressant de constater que la notion de visage, de figure glisse de façon presque imperceptible des toiles antérieures de Picasso jusqu’à celle-ci. Ce phénomène sera fortement plus accusé par la suite avec notamment le portrait de Gertrude Stein. La notion de masque dans Les Demoiselles tisse un lien signifiant avec l’allusion faite dans cette analyse à l’espace de la représentation (les rideaux du théâtre, du cirque). L’élision des traits renforcent l’évincement de toute tentative de psychologisation des personnages, évinçant ainsi la notion de pathos, un des traits représentatifs du cubisme. De plus ce renoncement aux caractérisations précises affirme nettement la volonté du renoncement au modèle et donc l’éloignement de la mimésis, encore un des axes fondateurs du cubisme. Françoise Gillot dans le documentaire qu’Alain Jaubert consacre à la relation de Picasso et de Matisse révèle que pratiquement tout ce que Picasso peignait dans son atelier ne s’y trouvait pas. Il en est de même pour Les Demoiselles puisque nous savons que la scène a lieu à Barcelone alors que Picasso créée la toile à Paris.

Finalement, il n’y a peut-être que la thématique qui ne révèle pas l’essence cubiste latente. Car le genre de cette toile lorgne fortement vers quelques genres prégnants du classicisme comme le nu, la scène de groupe, voire le nu en groupe ! On retrouve également le genre de la nature morte. Mais le traitement est bien différent.

 

La volonté de sortir du dessin conventionnel, la recherche d’innovation et la quête d’un équilibre ont véhiculé les marques du cubisme. Picasso en a été un des précurseurs et plus spécifiquement dans cette toile où l’on sent l’intellectualisation de la démarche artistique. Il s’agit d’explorer les paradoxes de l’art pictural pour orchestrer avec eux et contre eux des procédés innovants et des révolutions visuelles. En fait, on peut dire que cette toile de Picasso est l’élément fondateur d’un changement de l’histoire de l’art plus qu’un simple rouage aidant conceptuellement à passer d’un courant artistique à un autre et somme toute d’opérer tout en signifiant un changement culturel important.

Catherine Gheselle
Merci d'indiquer mon nom et le lien en cas d'utilisation de cette analyse :)

 

Bibliographie :

 
Histoire de l'art, E.H. Gombrich, Phaidon
Journal du Cubisme, Pierre Daix, Skira
Picasso, la passion du dessin, Réunion des musées nationaux

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

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23 février 2005 3 23 /02 /février /2005 18:05

Des goûts et des couleurs, ne peut-on pas discuter ? On interroge ici l’impossibilité d’une communication esthétique. Si la question peut sembler surprenante à l’heure de l’esthétique moderne, il n’en a pas toujours été ainsi. A travers les évolutions sociétales et technologiques récentes, il semblerait que le paradigme communicationnel de la philosophie de l’art s’ouvre à de nouveaux possibles Alors des goûts et des couleurs ne peut-on toujours pas discuter ?

 

« De gustibus et coloribus non est disputandum » : ce proverbe des scolastiques médiévaux s’est aujourd’hui transformé par une ellipse qui résume l’incertitude où nous nous trouvons aujourd’hui quant à la réponse semblant induire une espèce d’impossibilité constatée de longue date : « Ah, les goûts et les couleurs… ». Pourtant à l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), il est beaucoup question d’art en même temps qu’on le conçoit, qu’on le visite et qu’on l’achète. Est-ce à dire que cette communication s’inscrit dans le champ de l’esthétique de l’art ? Nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement. Tout d’abord, interrogeons-nous sur l’historique de cette pseudo-impossibilité et sur les termes de notre problématique.

 

Qu’entend-on en effet quand on parle des goûts et des couleurs ? et du mot « discuter », quel sens faut-il retenir ? Nous orienterons notre étude sur la seule place du spectateur, celle du créateur étant en certains points différente. Tout d’abord il est évident que cela concerne une notion de plaisir, de choix et d’espaces personnels tout autant que des qualités propres à l’objet. Mais à travers les sentiments et les sensations ainsi exprimées, nous retrouvons l’universel que Kant fait reposer sur le « sens commun » puisque les hommes ont en commun la faculté de réfléchir et de communiquer. C’est ici que le verbe intervient et nous retiendrons que si discuter, c’est parler avec une ou plusieurs personnes en échangeant des idées, il est bien question de la place de l’autre donc de la subjectivité mais aussi de l’empathie tout comme sont interpellés les notions de points de vues (multi-subjectivité) et de jugements. L’unicité du goût est un pari hardi car ce dernier évolue. Dans une dimension interculturelle, on sait bien que cette évolution sera morcelée en fonction de l’Histoire et des différents contextes. D’autre part, un même individu peut-être diversement affecté par ses sens. Ne voit-on pas aujourd’hui ronde une tour qui demain nous apparaîtra carrée ? Et un passage de lumière sur une œuvre peut  la flatter maintenant alors qu’elle pourra être ignorée par notre regard si un voile d’ombre la chatouille. Peut-être flirtons nous ici avec le relativisme ? Pas vraiment. Car de toute évidence, il n’est pas interdit de discuter d’un objet mouvant, d’un sentiment fugace, d’une sensation transcendée…Le jugement n’est pas suspendu, il chemine… Ces contradictions apparentes cheminent elles aussi diachroniquement entre histoire de l’art et philosophie, entre styles et auteurs, entre esthètes et critiques.

 

Pourquoi dès lors ne pourrait-on  discuter ? Le sens commun n’a peut-être rien à voir avec les sens communs ? Ces débats sur l’art, ces rhétoriques se basant sur le jugement esthétique ont peu ou prou à travers les siècles eut l’effet d’évincer l’individu, le profane. Faudrait-il entendre que les goûts et les couleurs sont la seule affaire des spécialistes en la matière ? Déjà largement temporisé par Kant et Hegel, les propos de Platon ont la vie dure…Or l’évolution sociétale et l’apparition des nouvelles sciences de l’information et de la communication (SIC) ont contribué à amorcé une mutation profonde qu’on sent prégnante aujourd’hui et dont les débats autorisent celui dont il est question ici.

 

« Tout passe et tout demeure. Mais notre affaire est de passer, de passer en traçant des chemins…..voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant ». Ce poème d’Antonio Machado pourrait fort bien illustrer la marche de l’homme et de son évolution. La question qui nous occupe ici est bien en reliance avec ces considérations. Et nous aurons l’occasion de le confirmer, c’est plus d’homonisation dont il est aujourd’hui question en regard de celle de l’humanisation (Edgar Morin, La méthodes, Seuil, p.75). Une mutation profonde est intervenue ces 50 dernières années. Plusieurs phénomènes y ont contribué. Il n’est pas question ici d’en faire une étude exhaustive mais plaçons comme repère quelques évènements fondateurs. Tout d’abord la notion de plaisir, revendiquée dans les années 60 a forgé un nouvel hédonisme qui trouve son prolongement dans la volonté d’accès au plaisir intellectuel par la démocratisation renforçant l’idée du sens commun mais instaurant parallèlement une volonté de prise en compte des sens communs. Bref une prise en compte de l’individu et un glissement nouveau vers l’hominisation.

L’image se fait alors langage du peuple. Le cinéma direct, grâce à des technologies légères, donne à tous le droit d’expression. D’autre part, les arts plastiques, en lorgnant du côté de la publicité, créent avec le pop-art un lien signifiant en direction du public. L’art approche les publics métaphoriquement par sa sémantique visuelle. Il s’agit bien d’une communication. En effet rappelons que la communication est un processus interactif de construction de sens et de partage de sens par l’interprétation réciproque de signes.

 

Dans le même temps où l’œil se fait plus sensible, la « démocratisation de l’accès aux œuvres » se fait ressentir à travers les grands projets politico-culturels où les lieux (Centre Georges Pompidou (77), le Musée d’Orsay (86)) se veulent aussi outils de médiation culturelle. Ce phénomène, depuis la décentralisation, a été fortement accentué dans les provinces. L’accès à l’art s’accompagne partout d’activités d’initiation et de sensibilisation à l’art. Ce sont également des lieux de rencontres et des espaces de discussions. On y donne des cours et des cycles de conférences d’histoire de l’art qui accueillent un public varié dont les questions et les remarques animent les débats. Des projets transversaux rencontrent le domaine des arts pour en abolir les frontières. Si bien qu’on ne vient pas forcément à l’art pour l’art mais en tous cas on y reste, puisqu’il y a interaction avec le monde.

Cette maturité et cette curiosité des publics doivent aussi beaucoup à l’éducation aux images. Et cette dernière est de plus en plus interactive.

 

Qui dit interactivité n’oppose pas discours et dialogue mais les réconcilie. Le livre n’a jamais pu donner la parole aux lecteurs et dans son prolongement, les nouvelles technologies autorisent enfin cette complémentarité. Le multimédia et bien sûr Internet offre pour le et les sens communs. un espace de discussion qui de plus permet la jonction de tous les arts ou presque. Le Web illustre parfaitement la noosphère en laquelle Teilhard de Chardin voit la mise en commun des connaissances de l’humanité et sa capacité de traitement de l’information.

De plus, le web permet, et cet aspect révolutionnaire est fondamental, l’échange d’images. Si l’acte de communication dialogique reposait surtout sur le verbal par le biais d’échanges d’idées verbalisées, on peut constater aujourd’hui qu’une idée textuelle peut se substituer à une idée visuelle. Une idée peut prendre la forme d'une image et vice-versa. C’est donc un langage supplémentaire qui se pose comme outil communicationnel. Avec Internet, l’homme se déplace dans les arts. Il se déplace dans les galeries à travers le monde, il entre dans l’image, au cœur de l’image grâce aux possibilités du zoom et là, lorsqu’il est posé sur la granularité la plus petite de l’image, le pixel, on voudrait encore interdire à l’internaute de plonger dans le discours esthétique ? On voudrait refuser au cybercitoyen du monde un visa pour l’image, un voyage dans son éthique et dans son esthétique ?

 

Des goûts et des couleurs, on discute, et fort bien, dans des espaces collaboratifs nouveaux où l’intelligence collective s’exerce, où l’interactivité est le critère premier. Les wikis, telle l’encyclopédie wikipédia, et les blogs sont les nouvelles sources d’information et de température des tendances. Il est clair que la nouveauté de ce dispositif interroge la notion de véracité des informations. Il est cependant intéressant de constater, en l’absence de conclusion prématurée, que le réseau opère une auto-vigilance qui s’exerce dans l’interactivité avec le pointage par les internautes des informations douteuses et l’exigence d’argumentation ou d’informations complémentaires.

 

Revenons à l’une de nos interrogations précédentes, cette communication s’inscrit-elle dans le champ de l’esthétique de l’art ? En effet, discuter de l’image n’est pas discuter de l’esthétique de l’image. Les diverses significations du mot esthétique et l’ambiguïté de la place de l’art dans notre société court-circuitent  un débat qui doit aussi s’inscrire dans les propres contradictions du champ philosophique. Il est une difficulté supplémentaire de notre siècle avec laquelle il faut aussi composer comme le signale Marc Jimenez dans « Qu’est-ce que l’esthétique ? », à travers l’absence de repères nets entre les courants ou les grandes tendances esthétiques voire renoncer à l’esthétique devant le renforcement du culturel comme il l’évoque dans « La querelle de l’art contemporain ». Pourtant les échanges numériques, puisque nous avons retenu ce repère, ne portent pas de trace consumériste, à priori. Leur enjeu est échange, relation, communication, réseau. En tout cas, le domaine de la sensibilité semblent bien être exprimée comme objet de réflexion et de connaissance. Connaissance et sensibilité enrichissent les débats sur l’objet (l’esthétique) et le sujet (l’internaute). Et puisque l’on sait bien que « on ne doit pas s’attendre à ce que le plaisir soit ressenti pareillement par tout individu » (hume), on ne peut que s’en réjouir car les échanges de point de vue multiplie la connaissance de la multiplicité des « jugements » et offre à la sensibilité une gamme élargie de sa délicatesse.

 

Puisque nous constatons avec Marc Jimenez l’impasse des débats théoriques sur l’esthétique, souvenons-nous que communiquer c’est mettre en commun. Comme nous avons noté la prégnance d’une communication importante sur l’art grâce notamment au multimédia et à de nouveaux outils et mode de communication (l’interactivité), nous pouvons pointer l’apparition d’un nouveau paradigme de l’esthétique de l’art qui est d’essence communicationnelle. Entre esthétique relationnelle et esthétique de la communication, des artistes eux-mêmes ont nommé cette nouvelle façon d’articuler goût, théorie, communication et information dans un questionnement spacio-temporel dont la planète est spectatrice. Ne nous situons-nous pas dans une communication participative de type constructiviste (où l’on entend que les choses émergent dans l’interaction) ? Toute communication est à la fois un contenu et une relation. Le dispositif multimédia est idéal dans l’interaction entre sujet et œuvre d’art. Puisqu’elle autorise également une interaction entre sujet. L’intention est une dimension de l’objet média qui repose sur l’empathie dans une ouverture du collectif contre le subjectif. On peut même dire que l’intersubjectivité est source d’objectivité puisqu'elle tend vers l'homéostasie, dans l’optique des sens communs (notions de groupes, de réseaux et de communautés) partageant un sens commun permit par l’empathie et par le dispositif multimédia.

 

La problématique de l’esthétique de l’art a pris une nouvelle dimension avec le développement des réseaux numériques. La communication sur et de la théorie de la sensibilité s’articule entre interactivité, intention, dispositif et construction de sens commun dans une dimension planétaire ; c’est à dire qu’on y parle de toutes les catégories artistiques de tous continents et ce dans un même espace-temps. Le discours esthétique s’y inscrit offrant ainsi de nouveaux contenus et de nouvelles relations à son objet où la volonté de désacralisation n’est pas absente et où une communication élargie prend place. La nature de cette communication fait donc évoluer le jugement esthétique. Le dispositif a une incidence sur le fond. L’usage des dispositifs techniques change en effet la relation de l’usager à l’objet. Une nouvelle réalité se construit sur la base d’une intersubjectivité. En replaçant l’homme au centre du débat, en interaction avec les consciences individuelles des autres hommes (et dans l’inter de ces interactions), il est possible de discuter des goûts et des couleurs. L’esthétique devient le vecteur d’un nouveau rapport au monde.

Catherine Gheselle

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2 février 2005 3 02 /02 /février /2005 11:27
Activité exercée chemin faisant,  la rédaction d'articles  s'est imposée à moi et je m'y suis trouvée comme un poisson dans l'eau !  Tout a commencé lors de mes études de cinéma...Plusieurs périodes sont à distinguer -  Catherine Gheselle

 


La période Languedoc Art Presse :


 

 

 

 

Regards de femmes, femmes en regard - Catherine Gheselle - Printemps 2002 - Article de fond commandé par L.A.P. sur le thème "La Démocratie au Maghreb peut-elle venir des femmes ?" que je traite par une approche cinématographique.
Dans le prolongement de cette réflexion, la réalisatrice Rachida Krim a accepté de répondre à mes questions.

 

 

 

Femmes maghrébines entre représentation et réalisation

 

 

    Comme les autres arts, le cinéma, cette "fenêtre ouverte sur le monde", signi­fie la société dans laquelle il s'inscrit. Comment alors ne pas l'interroger sur certaines réalités ?

Dès sa création, le cinéma est l'affaire des hom­mes. Le point de vue est donc majoritairement masculin, constat vrai pour toutes les cinémato-graphies. En nous penchant sur la représentation des femmes maghrébines et de leurs oeuvres, nous nous interrogeons de fait sur la place de la femme dans le monde d'aujourd'hui. Car l'indivi­du ramène à l'universel.

Le besoin vital de filmer arrive avec les luttes d'indépendance et le cinéma maghrébin commen­ce à exister réellement à la libération à travers sa quête identitaire. Mais le cinéma, art et langage, se pose également en tant qu'industrie. De fait, comment peut advenir une image si elle n'a pas économiquement les moyens d'exister ? Question cruciale pour le cinéma maghrébin. Dans ce contexte, la place des femmes est d'autant plus difficile.
 

 

                                                                      "Tunisiennes" de Nouri Bouzid

Cinéma algérien : entre documentaire et registre comique
 

    Si la représentation fictive des femmes est sou­vent cantonnée au rôle de la mère et de l'épouse, le documentaire permet de dépasser les clichés. Les réalisateurs algériens semblent les premiers à s'être penchés sur le statut des femmes. Ahmed Lallem réalise "Elles" (66), documentaire sur des lycéennes constatant leur condition, en écho à la modernité : "La femme algérienne, elle est laissée de côté", "...elle ne vaut rien du tout". La démarche d'Ahmed Lallem a ceci de très fort qu'elle s'ins­talle dans une optique sociologique en revenant confronter ces témoignages. Dans "Algérienne, trente ans après", il les interroge à nouveau. Leurs libertés ont peu à peu disparu avec le FIS et le code de la famille (84), prétexte pour revenir à une société plus traditionnel­le.

 

Belkacem Hadjadj explore les difficul­tés des femmes dans un documentaire très poignant : "Une femme taxi à Sidi Bel Abbés". Une Algérienne doit faire vivre sa famille à la mort de son mari. Réalisé en 2000, ce film montre com­bien l'accès au travail, parce que sour­ce d'autonomie, est toujours aussi dif­ficile.

En 78, Assia Djebar réalise "La Nouba des femmes du Mont Chenoua". Les critiques de l'époque sont très parta­gées sur ce film, certains ouvrages relatant du cinéma maghrébin ne l'é­voquant même pas. Cela est peut-être dû à sa forme novatrice, symbolique, mêlant fiction et documentaire. A moins que ses propos engagés n'aient choqué. Des femmes racontent leur place dans l'Histoire brisant le cliché traditionnel de la femme. La réalisatrice a aussi travaillé pour la télévision. Elle souligne que "c'est seulement en face de cet écran-là que se trouve le regard des femmes". Egalement écri-vaine, Assia Djebar est une des pre­mières à parler du plaisir féminin dans son livre "Les alouettes naïves". En 80, elle pressent l'avènement d'un lan­gage inter-femmes : "Ce n'est qu'en s'ouvrant au récit des autres que la femme peut aller de l'avant". "Nous en avons parlé avec..." de l'Algérienne Dalida Kadri illustre l'en­gagement des femmes pendant la révolution agraire. 11 n'a pas été possi­ble d'accéder au film ni de trouver plus de renseignements. S'il est difficile de produire des films, le problème demeure ensuite avec la diffusion, l'hégémonie de certaines cinématogra-phies condamnant l'épanouissement d'autres moins économiquement renta­bles.

Comment parle-t-on des femmes dans la fiction au Maghreb ? En les occultant ou en les mythifiant.  Le cinéma algérien, un des premiers à se construire dans le domaine fictionnel, est avant tout politique. S'il est question du peuple algérien, les femmes ont toujours des rôles restreints à la sphère domestique; au niveau du combat antico-lionnaliste, on ne parle pas des guerrières qu'elles ont été pendant les invasions. Il faut attendre 72 avec "Noua" d'Abdel Aziz Tolbi, pour que soit énoncée leur place active. Citons également "Le charbonnier" de Mohamed Bouamari ou les tri­bulations d'un homme avec la modernité et un contexte économique difficile. Sa femme, malgré les pressions, réfléchit à de nouvelles solutions et agit.

Si la production est abondante jusqu'à la fin des années 70, les femmes y sont encore représen­tées comme des silhouettes soumises. Avec Merzak Allouache la fiction algérienne se déno­te. En utilisant le genre comique, il approche la problématique féminine à travers une critique sociale de la quotidienneté où il aborde les diffi­cultés liées au clivage homme/femme et l'imma­turité des hommes. Dans les années 80, lorsqu'ils évoquent la condition féminine, les hommes pointent également leurs propres aliénations comme l'obligation de fonder son identité sur la virilité. De fait, il semble que la question de l'autonomie de la femme peut être envisagée comme dans le film du réalisateur Sid Ali Mazif, "Houria" en 87 où cette jeune femme précise : "Avant d'aimer, je veux apprendre à être libre". Les intégristes prennent place sur la scène poli­tique et la censure devient plus virulente. D'où les problèmes rencontrés sur "Houria". Dans ce contexte, l'émergence de femmes cinéastes est compromise.

 

La société tunisienne, une situation plus difficile qu'il n'y paraît

Si la Tunisie semble plus libérale en matière de législation féminine avec la mise en place du sta­tut personnel en 56 (Egalité homme/femme, abo­lition de la polygamie et de la répudiation,...), dans les faits, les traditions perdurent et n'autori­sent pas vraiment l'émancipation promise. En analysant le sujet du tout récent "Fatma" de Khaled Ghorbal, on peut se demander légitime­ment si quelque chose a changé. Si Fatma peut accéder aux études, elle est néanmoins soumise à la volonté des hommes. Dominée par ses frères et son père, violée par son cousin, elle s'enfuit pour retomber finalement dans les bras d'un médecin. Le scénariste révélant le sentiment de culpabilité dans lequel la société patriarcale installe la femme la pousse à dévoiler à son mari un secret  

qu'elle ne peut décidément contenir. Elle sera répudiée ! Nouri Bouzid, le réalisateur de "Tunisiennes" (98), traitant de la liber­té de la femme et reconnu comme l'un des meilleurs films tunisiens par cer­tains critiques, est souvent harcelé par le pouvoir. Ses films ont souvent été censurés. Est-ce la raison qui pousse la réalisatrice Moufida Tlatli à se servir du passé pour installer la trame narra­tive de son film "Les silences du palais" (94) où elle s'interroge sur la recherche identitaire des femmes? Nejia Ben Mabrouk parle également de l'enfermement et de la lutte des femmes dans "La trace" (88). D'autres réalisatrices existent mais qui peut voir leurs films? Un article récent du Festival de cinéma méditerranéen à Montpellier note le statut émancipé de la femme tunisienne et précise qu'il semble expliquer la vocation de nom­breuses cinéastes. Mais sur dix films composant la rétrospective tunisienne, seulement deux femmes sont repré­sentées, Moufida Tlatli et Nadia Farés ("Miel et cendres" (96)). Le Clap (ouvrage listant les réalisateurs des cinématographes africaines) recence une dizaine de Tunisiennes avec en moyenne trois films à leur actif. Pourquoi ces créations ne parviennent pas jusqu'à nous? Malgré les actions des festivals, de l'Institut du Monde Arabe et des petites salles de cinéma engagées, le travail des femmes n'est pas encore assez reconnu. La produc­tion tunisienne ne semble pas actuelle­ment très importante. La Fédération Inter-nationale des Droits de l'Homme pointe une dégradation des libertés en Tunisie (Libé, 9/3/2002). Ceci expli­querait-il cela ?
 
                        "Les  Silences du Palais" de Moufida Tlatli

 

 

La démarche de Fend Boughedir dans "Halfaouine" (90) est enrichissante car le personnage principal, un jeune garçon accompagnant sa mère au ham­mam, permet ainsi une introspection à égale distance du féminin et du mas­culin. Le réalisateur porte un regard critique et s'il dénonce l'oppression dont sont victimes les femmes, il atti­re également l'attention sur leur responsabilité dans l'éducation des hommes. "Halfaouine" peut synthéti­ser l'évolution globale du cinéma maghrébin à travers l'élargissement des points de vue.

 

Côté documentaire, les démarches sont peu nombreuses. Selma Baccar, une des premières femmes à s'inscrire dans l'Histoire du cinéma tunisien avec "Fatma 75", entreprend enfin un travail de mémoire en interviewant l'une des premières militantes pendant la colonisation et plusieurs généra­tions de femmes dans leurs luttes quo­tidiennes. Quelque part le film souli­gne qu'après leur combat, les femmes ont été évincées de l'action citoyenne.

 

Le tardif avènement du cinéma marocain

 

Les années 70 permettent de recenser au Maroc des oeuvres révélatrices comme "Traces" de Hamid Benani qui relate l'éducation religieuse très dure d'un garçon dans la société marocaine. Deux femmes apparaissent dans le film. Mais alors que l'analyse sociale est pertinente, la représentation fémi­nine est réduite à une vision manichéïste.

 

Entre simplification et manichéisme, on constate cependant que le sort des femmes s'inscrit dans de nombreuses réalisations. Jillali Ferhati aura, dans "Poupées de roseaux" (81 ), posé le problème de la sujétion féminine à l'ordre social. Rien d'étonnant à ce que le scénario soit écrit par une femme. Il s'agit de Farida Benlyazid qui réalise "Identités de fem­mes" (80) et "La ruse des femmes" (98), adapta­tion d'un conte retraçant la façon dont une femme retourne les rapports de force dans le registre sen­timental. Enfermé dans le carcan du machisme, l'homme se montre distant et feint de ne pas s'in­téresser à la jeune femme qui utilisera son intelli­gence pour arriver à ses fins. Mais le personnage féminin semble encore trop enfermé dans le jeu de la séduction. Parallèlement, déjeunes réalisa­trices mettent en scène les dysfonctionnements du système comme Yasmina Kassari dans "Chiens errants" (96). Une interdiction de tour­ner un documentaire l'oblige à choisir le genre fictionnel. Non contente de contourner la censu­re, elle réalise un film qui en sept minutes nous plonge au coeur d'une problématique sociale, mettant en scène l'injustice dont sont victimes les plus défavorisés.

 

Ailleurs et  ici, les femmes d'origine maghrébine construisent de nouveaux possibles.

 

Le Maghreb, qui n'était pas partie prenante dans l'invention du cinéma, a réalisé un travail impor­tant grâce à des hommes et des femmes sensibles à l'évolution du monde. Aujourd'hui un discours se construit, basé sur la complémentarité des sexes et s'éloignant du manichéisme. Certaines problématiques sont abordées mais il n'est pas encore question de l'émancipation de la femme. Si de la sphère privée, elles ont obtenu le droit d'investir l'écran dans d'autres registres, les ques­tions de la sexualité et de l'autonomie sont enco­re sans réelle réponse. De plus, les femmes maghrébines sont peu nombreuses à pouvoir réaliser dans leurs pays où la démocratie n'existe pas toujours. Quand bien même elles y accèdent, 11 faut rappeler leurs difficultés pour faire connaî­tre leurs travaux et leurs pensées. Il est à noter que si les réalisatrices maghrébines utilisent le mode fictionnel, elles ne se dépa­reillent pas d'un ancrage profond dans la réalité, avec une approche de documentariste ou de sociologue. Elles n'utilisent pas une approche féministe. Nous le constatons encore ici avec la nouvelle génération, leur travail est posé en ter­mes d'analyse du social. Les femmes soulèvent des problématiques liées au peuple. Elles ne se positionnent pas dans une dialectique sexiste. "Plutôt que d'opérer dans leurs films un renver­sement mécaniste, elles ont choisi de lutter pour créer les conditions qui permettront un jour aux

femmes de prendre la parole en tant que telles". Ce constat exprimé dans CinémAction (79) à propos des films d'Assia Djebar et de Selma Baccar se révèle particulièrement juste car lors­qu'on analyse le travail des femmes maghrébines depuis les années 75, on constate l'élaboration et l'évolution d'une stratégie qui a dû, certes, se construire infonnellement mais qui dénote une attention sur le passé et sur la construction d'une mémoire collective : utilisation de l'interview dans le documentaire, relations croisées entre présent et passé par le montage de documents d'archives, par l'utilisation des flash-backs, mélange entre fiction et documentaire, liens importants avec les autres arts (notamment la lit­térature). Depuis une vingtaine d'années, un lien filmique s'est crée avec la "Diaspora" dont les motivations principales s'inscrivent dans la volonté de donner à entendre la parole de leurs ancêtres et de leurs familles. Egalement très orientées dans le documentaire, les femmes d'ori­gine maghrébine ont réalisé des travaux qui se posent en relais de l'Histoire, inscrivant la pro­blématique de l'immigration qui fragilise encore plus les femmes. Leïla Habchi a ainsi réalisé "Exil à domicile" (93) et Yamina Benguigui a aussi exploré cette voie avec "Mémoires d'immi­grés" (98) où elle capte les points de vue des hommes et des femmes. Avec "Sous les pieds des femmes" (97), l'alésienne Rachida Krim utilise la fiction pour porter un regard sur la place des fem­mes algériennes. Les démarches sont nombreu­ses. Elles se posent volontairement en relais dans une boulimie qui n'a d'égal que le poids de la cen­sure appliquée aux femmes. Il faut voir dans ce mouvement une clé possible pour l'établissement des droits des femmes et donc pour 'instauration de la démocratie au Maghreb. Ce constat trouve sa résonnance dans les propos de Laure Adler (recueillis par Muriel Fourlon, rencontres d'Averroès, Marseille, 2001) : "...L'existence possible d'une démocratie, dans les pays du Maghreb notamment, passe par la reconnaissance ipso facto du statut de la femme. Il faut commencer par reconnaître l'importance et l'apport des femmes, les responsabilités qu'el­les savent prendre..".

Catherine Gheselle
 

 
Entretien avec Rachida Krim

    Les réalisatrices prolongent leurs démarches en allant filmer dans leur pays d'origine. Rachida Krim est née en 57 à Alès. "Mon histoire est très alésienne et cévenole. J'ai toute une autre histoire qui me tient à coeur parce que l'Algérie, c'est le pavs de ma famille. C'est toute une dimension fantasma­tique mais je suis née en France et si je parle de l'Algérie, on me met dans une case. Or je ne le veux pas. Mon regard est différent et je ne peux pas me permettre de juger le Maghreb et ses cultures même si c'est ce qui me fait travailler" nous dit-elle.

Comment en êtes vous venue à faire du cinéma ?

Au départ je suis plasticienne. J'avais envie de raconter des histoires pour faire le lien avec les ancêtres, d'aller vers ce passé, de comprendre ce qui n'est pas verbalisé. C'est par le cinéma que je suis passée pour rentrer dans mon histoire car même si je n'ai pas été déchirée entre deux cultures, il y a quand même des choses impalpables qui planent autour de vous comme le déracinement, le déchirement d'une famille qui a dû immigrer.

 

Qu'est ce qui vous a donné envie de réaliser "El Fatha" en 92 ?

 

J' avais envie de raconter un souvenir qui m'avait marqué en Algérie. C'est un mariage traditionnel auquel j'ai assisté quand j'avais 17 ans. Cet évé­nement m'a marqué parce que les époux ne se connaissaient pas. Il devait apporter la preuve de sa virilité et elle, celle de sa virginité. Après que les mariés soient entrés dans la cham­bre nuptiale, des femmes s'y sont introduites pour sortir le drap taché de sang. J'ai été très choquée et j'ai voulu parler en même temps de l'ambiguïté de cette cérémonie et de la beauté de l'ambiguïté, c'était très mélangé. Pour l'homme, c'est aussi une violence qui lui est faite, il doit aussi garantir de sa virilité. Ce n'est pas évident, en plus avec tout ce qui se passe autour : les gens, la fête, les bruits...de déflorer une jeune fille qu'il ne connaît pas, c'est aussi violent pour lui que pour elle. Je n'ai pas voulu avoir un regard féministe. Ce n'est pas un jugement, c'est juste un regard. Ce film a rem­porté de nombreux prix et il est enco­re passé à l'Institut du Monde Arabe cet hiver (Rétrospective cinéma "Maghrébines entre deux mondes et Femmes cinéastes du Maghreb" Octobre et Novembre 2001, ndlr)

Dans "Sous les pieds des femmes" en 97, vous interrogez le statut des femmes dans la culture arabe...

Ce film est un peu autobiographique. C'est l'histoire d'une femme qui pour­rait être ma mère. C'est un film sur les Algériens pendant la guerre qui racon­te le passé et le présent sans mani­chéisme. Le combat des femmes dans nos sociétés est inscrit depuis long­temps. Il faut remonter à l'invasion arabe du Maghreb pour rencontrer les femmes guerrières. A chaque grand tournant de l'histoire, les femmes sont présentes. Ce n'est pas parce qu'elles s'occupent de la sphère domestique qu'elles ne luttent pas.

Avec "La femme dévoilée", vous uti­lisez le registre humoristique...

Les algériens ont beaucoup d'humour. Il est question du rapport oedipien. Ce film est bourré de clins d'oeil car le rapport mère-fils est chez nous très important. Parce que les mères et les fils forment un couple la plupart du temps. Ce court métrage a obtenu beaucoup de prix au Maghreb.

 

Actuellement, Rachida Krim termine le bouclage financier de son prochain film, "Mektoub.com", l'histoire d'une bande de jeunes qui émmigrent vers la France. "C'est une façon de parler de cette nouvelle génération qui n'a rien à voir bien sûr avec celle de nos parents." Si elle questionne ainsi le passé et le présent, c'est que, comme nous le dit Rachida en conclusion de notre rencontre "// faut du temps pour raconter l'Histoire".

Catherine Gheselle

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1 février 2005 2 01 /02 /février /2005 15:07

 

 

Rencontre avec le réalisateur et le scénariste du film "Le gone du Chaäba"

 

 

Christophe Ruggia, jeune réalisateur, et Azouz Beggag, scénariste pas encore ministre, s'entretiennent avec moi de leur film "Le gone du Chaäba", roman autobiographique d'Azouz Beggag librement inspiré par Christophe Ruggia.



















Azouz Beggag et le jeune et excellent Bouzid Negnoug.
Ci-contre, Bouzid et Christophe Ruggia.

 Photos Alain Dagbert

 

 

 

 

 

 

Je me souviens également dans ce film de l'excellent jeu des acteurs Mohamed Fellag qui joue le père du petit gone et de François Morel à l'humanité débordante. Catherine Gheselle

 


Voir l'article ? Article Catherine Gheselle - pdf hébergé chez Archive-Host

 

 

 

 

 

 

 

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2 août 2004 1 02 /08 /août /2004 22:05

 

 

Les Be Goodies de A à Z : 6 filles dans la mouvance punk-rock

       De gauche à droite : Marie-Jo la guitariste, Coco la chanteuse, moi à la batterie
           Le bras tendu, Géraldine la bassiste puis Anne-Laure l'accordéoniste et Elise, 2e guitare


La joie se lit sur nos visages. Nous sommes en 2000, nous allons donner notre premier concert à l'occasion de la fête de la musique.

Suivront 4 années palpitantes, 40 concerts, de l'extase, de la joie, de la sueur et aussi des larmes (d'émotion).

 

 

Tout a commencé au Carré des Halles, notre QG. Ce café de Lille qu'anime toujours Alain existe depuis....j'y allais déjà dans les années 85. S'il y a un endroit qu'il ne faut pas louper à Lille, c'est bien le Carré des Halles. Endroit très sympa où la musique est reine et d'ailleurs de nombreux groupes ont fait leurs début dans cet endroit.

Nous avons commencé par des reprises, ne connaissant rien (mais rien de rien) à la musique. Bien sûr beaucoup de travail pour en arriver là ! Mais quel plaisir; je conseille à tout le monde de se lancer. Notre répertoire était très rock et punk :
The Clash : Should I stay or should I go
The Stooges : I wanna be your dog
The Pretenders : Brass into pocket
Them : Gloria
....

Puis, l'expérience et la technique aidant, nous avons rapidement entamé la création de nos propres morceaux. Je crois qu'avec mon expérience théâtrale du Guédo, cela reste la plus belle partie de ma vie.

Catherine Gheselle, la batteuse
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16 août 2002 5 16 /08 /août /2002 16:27

"Les forts, les faibles" de Jean-Marie Piemme
 

Photo Azzuro Matto - Isabelle Meister

Entretien avec Philippe Morand

Les aspects novateurs de l'écriture contempo­raine  mise en scène lors de ces      XXIX èmes rencontres d'été de La Chartreuse à Villeneuve lez Avignon sont illustrés à plu­sieurs niveaux dans le texte de Jean-Marie Piemme. " Les forts, les faibles, dit l'auteur belge, raconte neuf trajectoires du présent quand chacun marche au bord du vide ". Si les spécificités de son écriture peuvent dans un premier temps dérouter, il n'en reste pas moins que cette forme est particulièrement efficace pour éclairer ce qu'il y a de plus diffi­cile à mettre en lumière chez l'être humain : ses propres contradictions. Très actuelle, la pièce démonte les mécanismes des idées d'ex­trême-droite en renvoyant chaque spectateur à ses propres forces et faiblesses. Rencontre avec un metteur en scène dont la scénographie est résolument à l'écoute de l'auteur.

Philippe Morand, comment s'est passé votre rencontre avec ce texte ?

Je connais Jean-Marie Piemme depuis long­temps. En 94, il m'envoie son manuscrit qu'il vient juste de terminer. J'ai tout de suite eu un coup de coeur pour l'importance de ce texte et la façon dont il racontait les choses. J'ai cherché pendant cinq ans les moyens de le produire puis j'ai décidé de le mettre en scène dans le théâtre que je dirige à Genève en le produisant avec nos moyens. Le Théâtre de Poche étant tout petit, je décide d'inventer un dispositif en enlevant tous les fauteuils de la salle et en jouant mur à mur avec deux gradins de chaque côté, donc le public est en situation bi-frontale. C'est la scénographie adoptée. Avec ce procédé, je pense que ce spec­tacle n'aura pas d'exploitations dans d'autres théâ­tres. Pourtant, comme c'est vraiment un gros suc­cès, nous le jouons à Lausanne avec le même dispositif, à Charleroi avec un accueil extraordi­naire, puis à Neuchatel. Ensuite on reprend une très longue série au Théâtre de poche; cela conti­nue à marcher. Et, miracle des miracles, Daniel Girard (co-responsable de La Chartreuse, ndlr) vient le voir, et quelques jours plus tard il nous propose de venir le présenter à La Chartreuse.

Quelles sont, selon vous, les particularités de l'écriture que propose l'auteur?


Je crois que Jean-Marie Piemme a une spécifici­té, c'est qu'il ne produit pas la copie conforme d'une réalité. Il observe bien évidemment les mécanismes politiques, sociaux, économiques, culturels mais il invente des figures et leurs donne un langage qui n'est pas la copie conforme de la réalité mais un matériau travaillé. Ce qui fait que cela crée un léger décalage qui n'est pas un décalage de la réalité reproduite mais de la réalité réappropriée par la langue de Jean-Marie Piemme. Il y a aussi une juxtaposition des mon­tages dramaturgiques, de scènes brèves avec des scènes plus importantes dans une narration qui n'est pas linéaire. Jean-Marie Piemme raconte par séquences, par fragments une micro-société. On saisit les personnages chaque fois dans des scè­nes différentes, à des moments différents. On les capte comme si tout à coup un projecteur éclairait un moment donné de leur vie ou de leurs rapports avec les autres.

Quels ont été vos parti-pris pour mettre en scène cette façon d'écrire ?


Avec une mise en scène bi-frontale, il existe une relation interactive avec le public créant ainsi un rapport particulier avec chaque spectateur, un rapport mis en relief par une absence de décor qui crée dans le même temps cet effet où le public se voit comme réfléchi, il est lui-même pris dans le prisme de la lumière. Cet aspect est très impor­tant car il donne l'impression d'un ring où se dispute un combat avec la langue, avec les idées, les corps. La dimension physique est en effet très importante dans les textes de Jean-Marie Piemme : il y a une corporalité, c'est-à-dire un engage­ment physique. On s'aperçoit en mettant en scène ses textes qu'il ne s'agit pas de quelqu'un qui, à sa table, écrit uniquement avec brio des phrases for­tes, des rapports forts entre les individus mais qu'il induit aussi tout une série de rapports phy­siques entre eux.

Le titre, "Les forts, les faibles", peut induire un côté manichéen. Or on ne le retrouve pas dans la pièce. Les personnages sont faits de contradictions. Comment avez-vous travaillé ces aspects contradictoires au plus près des personnages ?

Mon souci de metteur en scène est d'abord de ser­vir l'auteur, de le comprendre, de ne pas plaquer des idées supplémentaires, d'essayer au contraire d'être au plus près du sens de l'auteur. Je crois que l'ensemble des contradictions des personnages est tellement bien écrit qu'il y a déjà pour les acteurs et pour le metteur en scène, qui est pour moi un accompagnateur d'acteurs, tellement de choses à jouer, précisément parce que ça n'est pas manichéen, parce que chaque personnage à sa chance. Aucun n'est taillé à la hache dans une espèce de parcours linéaire. On est, suivant les situations, suivant les rap­ports, suivant les enjeux, parfois un fort, parfois un faible. Et le danger réside précisément là, quand tout à coup les rapports de force s'inver­sent, quand le manichéisme resurgit pour des rai­sons qui deviennent à ce moment-là des raisons populistes d'une extrême-droite qui s'ancre en Europe.

Nous parlions des douleurs du corps, ce corps social, pourait-t-on dire. Ce corps enfante ? Comment lisez-vous la fin de la pièce ?

Justement, on fait de nouveau la lecture la plus
proche de ce que propose Jean-Marie. Cela reste du coup une lecture très ouverte et dans laquelle plusieurs interprétations sont possibles.

Propos recueillis par Catherine Gheselle

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21 avril 2001 6 21 /04 /avril /2001 18:18

 

   Le Burkina  Faso célèbre le cinéma à Ouagadougou

                                                                                           

 

 

Le FESPACO, Festival panafricain
du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou
 
    Mission de 3 mois en tant que journaliste pour le Fespaco.
 
Occasion de découvrir le cinéma africain et aussi le Burkina Faso, le Pays des hommes intègres. Et des femmes bien sûr. Elles sont nombreuses à s'investir, à faire bouger les choses. Rencontre avec Georgette Paré.

Voir l'article ? Catherine Gheselle, journaliste du Fespaco 2001
 

 

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20 avril 2001 5 20 /04 /avril /2001 16:42

 

 

"Vacances au pays" de Jean-Marie Téno

Ce documentaire présenté au Fespaco 2001 parle du Cameroun, le pays du réalisateur Jean-Marie Téno. C'est pour lui l'occasion d'un regard sur le monde agricole d'hier et d'aujourd'hui.

Voir l'article ? Catherine Gheselle

 

 

 

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11 mars 2001 7 11 /03 /mars /2001 13:19

"Dipri la puissance du Séké"

 

 

LE FESPACO...PACO...PAS CO...PAS COMME QUOI ?...PAS COMME CANNES !!!
 

  Car à Ouagadougou, on voit des films, certes, mais aussi beaucoup de documentaires.

 

 

 


Le réalisateur sénégalais Cheikh Ndiaye présente, à l'occasion de cette 17e édition, son deuxième documentaire, "Dipri la puissance du Séké". Rappelons que ce film tourné en Super 16 s'inscrit après un court métrage de fiction acheté par plusieurs chaînes, "Mousso", et un documentaire tourné en 93 "Toumouranke" autour de l'immigration des Africains de l'Ouest. "L'appel des arènes", en 2005, est son premier long métrage de fiction dont le scénario est adapté du roman éponyme d'Aminata Sow Fall. Il retrace donc un sport sénégalais très pratiqué, le lamb, la lutte à la sénégalaise, c'est à dire avec la présence des griots et l'importance des représentations ethniques.

L'organisation sociétale est également  au coeur de  "Dipri  la puissance du Séké".
Au village de Gomon, pendant la cérémonie du Dipri, les initiés guidés par le devin guérisseur, perdent leur dimension humaine. C'est le triomphe de la vie sur la mort.

Voir l'article ? Catherine Gheselle

 

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